Engagée à connecter le monde

WTISD

La Conférence télégraphique internationale de 1865

​ ​ Search the History PortalClick here to search the History Portal
Identificateur permanent pour cette page  

L'UIT est née à Paris

​​​​​​​​Voir aussi: Panorama historique​ de l'UIT
                   Accords télégraphiques internationaux antérieurs à 1865
À Paris, sur la rive gauche de la Seine, se dresse un imposant bâtiment du milieu du XIXe siècle : le Quai d'Orsay. Depuis 1853, ce bâtiment abrite le Ministère français des affaires étrangères et sert à recevoir les visites des chefs d'État et d'innombrables dignitaires du monde entier. L'une de ses salles les plus somptueuses, le Salon de l'Horloge, est éclairée par d'immenses chandeliers suspendus à un plafond doré, tandis qu'au-dessus de la cheminée richement décorée, une statue symbolise la France elle-même. C'est dans ce lieu étincelant que, le 17 mai 1865, une illustre assemblée signa un accord portant création de la première organisation internationale moderne au monde : l'Union télégraphique internationale.

Liens utiles


Salon de l’Horloge, Quai d’Orsay, Paris (Source: France Diplomatie)
 
Les membres de l'assemblée avaient été invités en France par le neveu de Napoléon Bonaparte, l'Empereur Napoléon III. Mû par les idéaux de l'époque en matière de progrès scientifique et de libre-échange, l'Empereur mit en place des réformes de grande envergure, notamment le développement du système ferroviaire national, la modernisation de l'agriculture, destinée à mettre fin aux famines,​ et la création de programmes sociaux tels que l'amélioration de l'enseignement pour les femmes. Or son héritage le plus visible demeure la vaste entreprise de reconstruction de Paris, confiée au baron Haussmann, qui remplaça les bidonvilles délabrés par de grands boulevards et des parcs.
 
M. Haussmann avait notamment conçu un nouveau réseau d'égouts, dans lequel les fils des lignes télégraphiques seraient par la suite posés. Cette réalisation était en adéquation avec le vif intérêt de l'Empereur pour les nouvelles technologies, notamment la télégraphie.  Celui-ci avait par exemple soutenu la création par l'inventeur Giovanni Caselli de plusieurs stations partout en France permettant d'envoyer des images à l'aide de fils grâce à une première version du télécopieur: le pantélégraphe. Cette volonté de moderniser la France, et d'accroître son influence en Europe et au-delà, amena Napoléon III à proposer de tenir la première Conférence télégraphique internationale, qui s'ouvrit le 1er mars 1865.
 
Les représentants de vingt pays, pour la plupart européens (voir la liste des participants) se réunirent sous la présidence du ministre français des affaires étrangères, Édouard Drouyn de Lhuys, qui expliqua que l'objectif était de rationaliser le traitement du trafic télégraphique international en plein essor. Un traité général fut proposé à cet effet et, comme celui-ci devait être signé par les autorités nationales, le Royaume-Uni fut le seul pays européen disposant de vastes systèmes télégraphiques à ne pas prendre part à la conférence: en effet, ses réseaux étaient propriété privée et ne constituaient pas un bien public, comme c'était le cas dans la plupart des pays européens. On eu toutefois le sentiment que, dans la pratique, le Royaume-Uni respecterait les dispositions du traité.
 
Pays ayant participé à la Conférence télégraphique internationale de 1865 ​
Pays en 1865 Pays actuels
Empire autrichien ​Autriche et Hongrie
Grand-duché de Bade Allemagne
Royaume de Bavière Allemagne
​Royaume de Belgique Belgique
Royaume du Danemark ​Danemark
Royaume d'Espagne ​Espagne
Empire français ​France
​Royaume de Grèce ​Grèce
​Ville libre de Hambourg ​Allemagne
​Royaume de Hanovre Allemagne
​Royaume d'Italie ​Italie
​Royaume des Pays-Bas ​Pays-Bas
​Royaume du Portugal ​Portugal
​Royaume de Prusse ​Allemagne
​Empire russe ​Fédération de Russie
​Royaume de Saxe ​Allemagne
​Royaumes unis de Suède et de Norvège ​Suède et Norvège
​Confédération suisse ​Confédération suisse
​Empire ottoman ​Türkiye​
​Royaume de Wu​rt​​emberg ​Allemagne
 
M. Drouyn de Lhuys fit remarquer que les accords alors en vigueur – les Conventions de Bruxelles et de Berne de 1858 – étaient dépassés par les progrès de la télégraphie. Les télégrammes internationaux pouvaient se voir appliquer de multiples règlements qui n'étaient pas entièrement harmonisés. Afin de remplacer ces c​onventions, les participants à la réunion convinrent qu'un projet de nouveau traité serait rédigé par une commission de "délégués spéciaux" ayant des compétences techniques, composée essentiellement des directeurs des réseaux télégraphiques nationaux​.
​​​​​
(Source: Bibliothèque de Bordeaux)
Edouard Drouyn de Lhuys (19 novembre 1805 - 1er mars 1881) était un homme d'État et diplomate français. Il fut nommé ambassadeur à plusieurs reprises et fut quatre fois Ministre des affaires étrangères. La dernière qu'il fut investi de ces fonctions, sous le Second Empire, M. Drouyn de Lhuys devint Président de la Conférence de Paris de 1865, qui allait négocier et signer la première Convention télégraphique internationale le 17 mai 1865. Au lendemain de la guerre austro-prussienne, perçue comme désastreuse pour les intérêts de la France en Europe, M. Drouyn démissionna du Gouvernement français. Il se retira de la vie publique en 1870.
 
La commission des délégués spéciaux se réunit seize fois pour arrêter ​les modalités de la Convention télégraphique internationale, et le projet final fut présenté à la Conférence à sa deuxième séance générale, le 13 avril. Ce projet contenait des dispositions novatrices, notamment la mise en place d'un système de tarification standard dans l'ensemble de chaque pays, plutôt qu'un système de tarification par zone (à l'exception d'une partie de la Prusse et des territoires les plus éloignés de la Russie et de la Turquie). Point important, un tableau de tarification des messages transfrontaliers dans une unité monétaire unique, à savoir le franc français, fut annexé au traité​, ​ce qui allait réduire considérablement le prix des télégrammes. En outre, un Règlement de service international fut élaboré en complément du traité. L'une des dispositions les plus importantes de ce Règlement prévoyait l'adoption du code Morse et de ses instruments - rare cas où l'UIT désigna expressément un équipement en particulier​.
 
La troisième et dernière séance générale de la Conférence eut lieu le 17 mai 1865, date à laquelle les documents finals de la première Convention télégraphique internationale furent officiellement signés. Cette date fut retenue comme celle de la naissance de l'Union télégraphique internationale - l'organisme précurseur de l'actuelle UIT - et marque chaque année la Journée mondiale des télécommunications et de la société de l'information​​.
 
La Convention et son règlement entrèrent en vigueur le 1er janvier 1866. Dans le préambule du traité, les signataires affirmaient être également animés du désir d'assurer aux correspondances télégraphiques échangées entre leurs États respectifs ​les avantages d'​un "tarif simple et réduit", et que les conditions de la télégraphie internationale s'en trouveraient améliorées. Ils soulignaient en outre qu'ils établiraient une "entente permanente" entre leurs États tout en n'interférant pas avec les décisions relatives aux questions n'intéressant pas ​le service télégraphique international.
 
L'importance de la Convention télégraphique internationale ne saurait être sous-estimée: pour la première fois, les réglements, les tarifs et les techniques étaient harmonisés dans toute l'Europe, jusqu'à ses frontières avec l'Afrique et l'Asie.
 
Des effets plus généraux se firent également sentir sur les relations internationales. Juste avant 1865, certains États signataires avaient été en guerre: le second conflit entre le Schleswig-Holstein et le Danemark, auquel la Prusse et l'Autriche avaient également participé, avait pris fin l'année précédente. Néanmoins, le traité télégraphique fut signé par tous. Résumant les réalisations de la conférence, M. Drouyn de Lhuys déclara:
 
Nous nous sommes réunis ici en tant que véritable Congrès de la paix. S’il est vrai que la guerre ne provienne souvent que de malentendus, n’est-ce pas en détruire l’une des causes, que de faciliter entre les peuples l’échange des idées et de mettre à leur portée ce prodigieux engin de transmission, ce fil électrique, sur lequel la pensée, comme emportée par la foudre, vole à travers l’espace, et qui permet d’établir un dialogue rapide, incessant, entre les membres dispersés de la famille humaine​? 

Convention télégraphique internationale de 1865 (Source: UIT​)
 
Trois ans plus tard, en 1868, la deuxième Conférence télégraphique internationale fur organisée à Vienne. Elle fut axée sur des questions techniques et administratives plutôt que sur la diplomatie. Point important, la conférence dota l'Union télégraphique internationale d'un bureau à Berne, ce qui permit à l'organisation de répondre aux besoins croissants de ses membres en matière d'échange d'informations.
 
Le 27 avril 2015, le 150ème anniversaire de l'UIT fut célébré au Quai d'Orsay à Paris. Une fois de plus, le Salon de l'Horloge accueillit les représentants des signataires de la Convention télégraphique originelle, ainsi que le Secrétaire général de l'UIT, M. Houlin Zhao, la dix-huitième personnalité à occuper ces fonctions. Ministre d'État française chargée des affaires numériques, Mme Axelle Lemaire déclara lors de cette rencontre​:
 
 L'UIT nous rappelle chaque jour que le numérique ne peut se dispenser d'un dialogue multipartite incluant la société civile, le secteur privé et les États.
 
Ce dialogue est au fondement de l'UIT. Depuis sa création à la Conférence de Paris, en 1865, l'Union ​n'a eu de cesse ​​de promouvoir la coopération internationale dans le domaine des télécommunications.
​​​​​​​